dimanche 8 octobre 2023

18eme dimanche après la Pentecôte

fête de saint Serge

 

Au Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit,

Jésus se trouvait au bord du lac de Génésareth et une foule se pressait autour de Lui pour entendre la Parole de Dieu.

La Parole de Dieu, c’est justement ce que nous devons sans cesse rechercher dans notre vie quotidienne : car c’est elle qui nous nourrit, qui nous guide et qui nous inspire.

Dans le Livre de la Genèse, au moment de la création du monde, la Parole de Dieu a dit :

« Que la lumière soit ! Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne ; et Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres » (Gen. 1 ; 3-4).

Aujourd’hui, nous avons entendu la Parole de Dieu, que Jésus a adressée à Pierre et à ses compagnons :

« Jetez vos filets pour pêcher ».

Ils ont jeté leurs filets et ils ont pris beaucoup de poissons.

La Parole de Dieu est toujours créatrice et pleine d’effets. Cette parole divine est puissante et elle accomplit des miracles. Voilà pourquoi nous devons nous efforcer de l’entendre et de l’écouter.

Dans l’Evangile, à un autre endroit, Jésus a répondu à une femme qui se trouvait dans la foule :

« Bienheureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent » (Lc 11, 28).

_____________________________________

Il y a encore une autre Parole de Dieu que Jésus a adressée à Pierre et qui est un enseignement profond pour chacun d’entre nous :

« Avance dans la profondeur ».

C’est une invitation pressante du Christ à ne pas rester à la surface des choses, à ne pas se contenter de l’apparence, à ne pas se satisfaire de ce que voient nos yeux corporels.

Nous devons sans cesse chercher à nous interroger, creuser le sens des choses et augmenter nos connaissances.

Nous devons essayer de comprendre le mystère de Dieu, comprendre le mystère de l’Eglise qui représente le Royaume de Dieu sur la terre, comprendre le mystère de la personne du Christ qui est mort et qui est ressuscité pour notre salut.

Il faut essayer de comprendre le mystère du don de la vie, qui a été donné à chacun de nous : comprendre que la vie est un temps de préparation et de repentir, un temps d’ascèse et de prière, avant de pouvoir entrer dans le Royaume de Dieu.

Nous devons absolument comprendre que le temps nous a été accordé par Dieu comme une grâce et qu’il ne faut surtout pas le gaspiller.

La vie est courte : nous devons la faire fructifier et multiplier les talents que nous avons reçus de notre Créateur au moment de notre naissance.

_____________________________________

« Avance dans le profondeur ».

«поступи во глубину»

On rencontre parfois de mauvaises traductions : « avance plus avant », « avance en eau profonde ».

Le slavon est une langue sanctifiée, c’est une langue d’Eglise, ce n’est pas du tout une langue morte, c’est une langue conservée dans sa gangue d’origine, héritée de l’Eglise apostolique et des Pères de l’Eglise, par l’intermédiaire des saints Cyrille et Méthode, évangélisateurs des peuples slaves. Le slavon est le mètre-étalon auquel nous devons toujours nous référer, pour la vie de l’Eglise et la compréhension des textes, en tout cas au sein de notre archevêché des Eglises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale.

Il y a bien sûr une orthodoxie locale authentique en France, en Belgique, en Italie, en Angleterre, en Allemagne, en Finlande, au Japon, etc. Cette orthodoxie peut traduire et adapter les textes dans la langue vernaculaire mais elle ne doit jamais rompre le lien avec le slavon, pour les raisons exposées brièvement plus haut.

En 1924, lors de la création de l’église Saint Serge par Mgr Euloge, dans le contexte et les circonstances de l’époque, il était normal et attendu que les offices liturgiques soient célébrés en slavon.

Aujourd’hui, notre paroisse, qui a approuvé tout récemment de nouveaux statuts en assemblée générale, a pris soin, dans une décision consciente et réfléchie, d’inscrire, dans le marbre de ces statuts, le fait que le slavon est la langue de nos offices liturgiques.

Il convient de rapporter, ici, un fait qui a son importance et que, sans doute, beaucoup d’entre nous ont oublié ou bien qu’ils ne connaissent pas. Ce fait se rattache au concile de Moscou de 1917—1918. D’ailleurs, le samedi 18 novembre prochain, donc dans un peu plus d’un mois, nous allons célébrer la mémoire des pères de ce concile local — память отцов поместного собора церкви русской.

Ce concile comportait vingt commissions de travail. Chaque commission disposait d’un bureau présidé par un évêque. La septième commission était intitulée « commission des célébrations liturgiques, homélies et art sacré » et elle était justement présidée par Mgr Euloge, le fondateur de notre archevêché.

Des débats très vifs et intéressants ont eu lieu à propos de la traduction des offices depuis le slavon dans la langue russe (nous sommes en 1917, il y a donc plus d’un siècle en arrière).

Un professeur émérite a exprimé un propos partagé par beaucoup :

« Je n’ai rien contre une traduction [en russe], mais qui va traduire ? Nos offices sont des poèmes sacrés. S’il est déjà difficile de traduire Shakespeare, … pour la traduction de nos offices, il faudrait non seulement un poète mais un saint poète ».

La question de la traduction des offices a donc été rejetée.

Précision intéressante, lue dans les Mémoires de Mgr Euloge – ouvrage intitulé « Le chemin de ma vie »— dont la rédaction en russe a été terminée en 1938 :

 « Les Ukrainiens furent indignés ; ils étaient pour une traduction des offices indépendamment de considérations d’esthétique ».

_____________________________________

L’évangile d’aujourd’hui se rapporte au fait de renoncer volontairement à ce qui nous relie à ce monde passager pour suivre le Christ.

Puisque, en ce jour, nous fêtons solennellement la mort chrétienne de saint Serge de Radonège, souvenons d’un fait précis, dans sa vie sur terre, qui illustre ce renoncement radical.

Un jour, saint Serge se tenait dans le sanctuaire et il a entendu un mouvement d’humeur qui s’apparentait à un mécontentement. Certains moines avaient quitté le monastère et d’autres souhaitaient ne plus avoir Serge comme higoumène.

Saint Serge ne s’est pas insurgé ni révolté intérieurement, il a laissé ceux qui voulaient vivre selon leur volonté propre face à leur conscience. Il n’est pas retourné dans sa cellule pour emporter des effets personnels. Il a tout abandonné sur le champ et il a quitté aussitôt le monastère, définitivement.

_____________________________________

Aujourd’hui, c’est le jour de la mémoire de sainte Euphrosyne, qui a vécu à Alexandrie au cinquième siècle. Il y a dans notre communauté de nombreux parents ou des futurs parents, qui seront touchés par cette biographie et singulière et très attachante. Celle-ci illustre, d’une manière différente, le fait de renoncer à ce monde éphémère pour mettre ses pas dans ceux du Sauveur.

Sainte Euphrosyne était la fille d’un Egyptien, du nom de Paphnuce, qui possédait une immense fortune. Il avait perdu son épouse et il ne lui restait plus que son enfant.

Lorsque sainte Euphrosyne a atteint l’âge de dix-huit ans, son père l’a fiancée, malgré elle, à un jeune homme riche.

Quelques jours avant le mariage, sainte Euphrosyne a profité de l’absence de son père pour se couper les cheveux. Elle a enfilé des vêtements masculins et elle s’est présentée à la porte d’un monastère. Le supérieur l’a acceptée et l’a placée sous la direction d’un moine sage et expérimenté.

Personne, dans le monastère, ne pouvait deviner que, derrière ce visage maigre et ce corps desséché, se cachait une délicate jeune fille.

Au bout de trente-huit ans d’une vie consacrée à Dieu et remplie du désir de s’unir au Christ, sainte Euphrosyne est tombée malade. Beaucoup de moines sont venus à son chevet : parmi eux se trouvait Paphnuce, qui était toujours triste et affligé après la perte de sa fille.

Sainte Euphrosyne a senti qu’elle allait bientôt mourir, elle a révélé à son père sa véritable identité puis elle s’est endormie dans la paix du Seigneur.

Son père est tombé à terre et il s’est mis à pleurer. Puis il a compris que sa fille avait quitté définitivement cette vie de douleurs pour entrer dans la vie éternelle. Ses larmes se sont changées en joie. Il a tout abandonné et il est devenu moine. Il a occupé la cellule même où Euphrosyne avait vécu.

Au bout de dix années d’une vie marquée par l’ascèse et la prière, il s’est endormi dans la paix du Seigneur et il a rejoint sa fille dans le Royaume des cieux.

Comme les pêcheurs de poissons de l’évangile d’aujourd’hui, lorsqu’il a retrouvé sa fille pour un très court instant avant qu’elle ne rende l’âme, il a ramené la barque à terre, il a tout laissé, il a quitté le monde des hommes et il a suivi le Christ pour devenir l’un de ses disciples dans un autre monde.

Amen